Au nom de la lutte contre la fraude et les abus, deux décret sont sortis fin décembre concernant la prise en charge des frais de santé des personnes en situation irrégulière et des demandeurs d’asile, en accord avec les annonces faites par le 1er Ministre Edouard Philippe à l’automne (vingt mesures qui constituent les grands axes de sa politique migratoire) :
- Décret n° 2019-1468 du 26 décembre 2019 relatif aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France
- Décret n° 2019-1531 du 30 décembre 2019 relatif à la condition de résidence applicable aux demandeurs d’asile pour la prise en charge de leurs frais de santé
Le premier décret diminue la période du maintien de droits de la prise en charge des frais de santé (PUMA, “protection universelle maladie” et protection complémentaire) après expiration des documents de séjour, la faisant passer de 12 à 6 mois.
Le second décret introduit un délai de carence de 3 mois de résidence pour les demandeurs d’asiles avant qu’ils ne puissent bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé. Jusque-là, ils y avaient droit dès le dépôt de leur demande.
« Ces restrictions sont bien sûr également synonymes de risques en matière de santé publique avec des populations mal soignées. Elles fragilisent également un système de santé à bout de souffle avec un report des soins vers des hôpitaux déjà saturés ainsi qu’une charge de travail supplémentaire pour les caisses d’assurance maladie qui devront gérer les changements de situation et accueillir physiquement les personnes faisant une demande d’AME ». France Assos Santé.
Le recours à l’Aide médicale de l’État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l’enquête Premiers pas
Florence Jusot (Université Paris Dauphine, PSL, Leda-Legos, Irdes), Paul Dourgnon (Irdes), Jérôme Wittwer [Université de Bordeaux, Bordeaux Population Health (Inserm U 1219), Equipe Emos], Jawhar Sarhiri (Irdes)
Questions d’économie de la santé n° 245 – Novembre 2019
(Extrait du résumé)
“Seules 51 % des personnes qui y sont éligibles bénéficient de l’AME. Près de la moitié des personnes sans titre de séjour déclarant souffrir de pathologies nécessitant des soins, comme le diabète ou les maladies infectieuses, ne sont dans les faits pas assurées pour la santé, ni par l’AME, ni par l’assurance maladie de droit commun. Le recours à l’AME est un peu plus important chez les 10 % ayant cité la santé parmi leurs motifs de migration. Il est cependant assez peu corrélé aux problèmes de santé, en dehors des troubles musculo-squelettiques. Le recours à l’AME augmente avant tout avec la durée de séjour sur le territoire. Ces résultats suggèrent que la plupart des migrants ont peu de connaissances de l’AME et n’ont pas tous la capacité à se saisir d’un dispositif complexe. Même après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas l’AME”.