Interrogé par France Inter, Gaël Durel, le président de l’Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR) revient sur la méthode de comptage des malades du coronavirus dans les Ehpad, et met en garde contre l’isolement des personnes âgées.
Comment compter les malades du coronavirus dans les établissements d’hébergement pour les personnes âgées ? Gaël Durel est président de MCOOR, l’association Nationale des Médecins Coordonnateurs et du secteur médico-social, les médecins qui interviennent dans les Ehpad. Il revient pour France Inter sur la façon dont le Ministère de la Santé va comptabiliser les cas de Covid-19 dans les établissements, et surla difficulté de l’isolement des résidents dans les chambres.
FRANCE INTER : Comment le ministère de la Santé va-t-il comptabiliser les morts dans les Ehpad ?
Il faut être extrêmement prudent et vigilant. Il est clair que sur notre population très vulnérable, le virus peut être responsable de graves conséquences, mais tous les résidents atteints du Covid-19 ne vont pas mourir. Il faut rassurer les familles. Les soins seront apportés si on continue à nous apporter des moyens matériels. Ce ne sont pas simplement des masques mais aussi des blouses et des médicaments. Ce sont également des moyens humains. Parce que, de fait, avoir des confinements en chambre ou bien dans des lieux précis nécessite beaucoup plus de personnel qu’auparavant.”
Tous les résidents avec des symptômes vont-ils être testés ?
“Aujourd’hui la norme, c’est de ne tester que les 3 premiers cas au sein de l’Ehpad. Donc, la quatrième personne qui aurait de la fièvre, des signes respiratoires ne sera pas testée. Et ainsi de suite, jusqu’aux derniers résidents qui pourraient avoir des signes. On va estimer que tous les autres cas sont dit “suspects”. Au moment du décès, le médecin qui va signer le certificat va pouvoir simplement dire : ‘La cause du décès semble être en rapport avec une infection virale de type Covid’. Vous avez aussi des résidents qui vont mourir de pneumocoques, d’embolie pulmonaire, d’AVC ou d’accident cardiaque. Le pneumocoque va peut-être tuer plus que le coronavirus dans certains établissements, mais personne ne le saura.”
Que pensez-vous des recommandations du ministère de la Santé sur le confinement en chambre des résidents des Ehpad ?
“La circulaire, publiée par le ministère de la Santé, a été mal interprétée. Elle précise bien que le directeur, avec l’avis du conseil médical, peut aller jusqu’au confinement en chambre, un confinement obligatoire en cas de cas positif. Mais s’il n’y a pas de cas, toutes les mesures de distanciation sociale peuvent encore être mises en place. On peut tout à fait avoir des résidents qui continuent à aller dans les jardins, qui continuent à aller dans les zones d’activité, qui continuent à aller regarder des vidéos avec leurs enfants sur des écrans géants, tant que les distances de sécurité sont respectées. Il faut que les personnels s’assurent que lors des déplacements les personnes ne se trouvent pas engluées dans les ascenseurs ou dans les couloirs, qu’il y ait toujours deux mètres de distance entre deux résidents. Ils peuvent continuer à avoir une vie sociale, à faire des activités, à aller se balader dans le jardin.
Il est hors de question que des résidents se trouvent enfermés dans une chambre. Encore une fois, des choses peuvent être différentes si on a plusieurs cas suspects de Covid dans un établissement : là bien sûr, il faut protéger de manière individuelle chaque personne. Bien sûr que le coronavirus peut faire des dégâts considérables chez les personnes âgées mais il faut aussi se dire que beaucoup de personnes âgées, la majorité, supportera le Covid. On sait très bien qu’enfermer quelqu’un dans une chambre, peut provoquer des décompensations psychiques, psychiatriques, graves et sévères qui viendraient encore plus aggraver leur état. Quelqu’un qui ne mange pas, parce qu’il est tout seul dans sa chambre pendant trois semaines, n’aura aucune résistance à ce virus. Il faut être extrêmement vigilant et notre association MCOOR travaille actuellement sur un document de sensibilisation pour que toute les équipes puissent mettre en évidence ces risques particuliers, psychiques et psychiatriques, de manière à ne pas se trouver confronté à des syndromes plus compliqués lorsque les personnes sont isolées pendant trois semaines.”