Carnet de bord d’un conseiller ordinal du Finistère délégué responsable de la cellule éthique ordinale lors du premier confinement COVID-19
Carnet de bord d’un conseiller ordinal du Finistère délégué responsable de la cellule éthique ordinale lors du premier confinement COVID-19
Dr Phillipe DONNOU
Je suis arrivé en mars 2020 en pleine pandémie du COVID 19 dans les réunions de la cellule éthique du CHU de Brest et par extension au sein des réunions de l’espace de recherche éthique de Bretagne (EREB) par nécessité ordinale donc d’intérêt public et intérêt personnel de connaissance.
Recommandé par le Dr Sylviane Peudeunier neuro pédiatre au CHRU de Brest et vice -présidente de la CME, j’ai appelé, avec l’aval du Conseil Départemental de l’Ordre le Dr Cyril HAZIF-THOMAS chef de service de géronto psychiatrie au CHRU de Brest, Docteur en droit, directeur de l’EREB.
J’ose dire, avec humilité et reconnaissance, qu’il m’a avec son équipe initié au principe du raisonnement éthique qui se doit d’être dans la lenteur, principe quelque peu bousculé par l’urgence sanitaire du COVID 19 ayant nécessité des décisions politiques rapides suspendues au conseil d’urgence sanitaire qui tentait de répondre aux interrogations des soignants, à leur détresse et à celles obligeamment des familles et de la population et aux injonctions gouvernementales (là n’est pas le corps de mes propos…)
Cet exercice pratique et mental de l’éthique, n’était pourtant pas si loin de ma pratique professionnelle de médecin conseil de victimes, vice-président d’une association nationale de médecins experts conseil de victimes (ANAMEVA) et heureux directeur de publication d’un livre blanc sur la réparation du dommage corporel, autres regards que celui de l’assurance publié chez LEH (édité en janvier 2020) ou l’éthique de la responsabilité y est très développée
Tous domaines où l’éthique rôde, chacun jouant un rôle parfois proche ou distant de la justice et de l’équité
L’immersion pratique dans la souffrance et l’inquiétude des soignants pouvait dès lors débuter, dans un monde d’autres professionnels aguerris : directeur EHPAD, sociologue de la santé, Pr universitaire de psychiatrie de philosophie et de médecine interne, journaliste, représentant des usagers, juriste hospitalier ; j’en oublie certainement et je leur demande de bien m’en excuser.
Alors suivons quelques comptes rendus personnels des réunions auxquelles j’assistai
Les transcriptions sont complètes
Cellule de soutien éthique – Fiche tension éthique
Dans la contribution du CCNE relative à la lutte contre le COVID-19 (Enjeux éthiques face à unepandémie), le CCNE prévoit la mise en place de cellules de soutien éthique dans chaque région. En Bretagne, différentes cellules éthiques sont mises en place sous l’égide de l’Espace de Réflexion Ethique de Bretagne (EREB)
Dans ce contexte de crise sanitaire, et afin de venir en soutien à tous les acteurs impliqués, vous pouvez saisir la cellule éthique afin de bénéficier d’un accompagnement dans le domaine de la réflexion éthique.
Les membres de la cellule n’engagent en aucun cas leur responsabilité dans les décisions qui seront prises par la suite par les équipes soignantes.
Pour des raisons de traçabilité, nous vous prions de bien vouloir remplir le formulaire ci-après pour toute demande d’aide à la réflexion éthique. Nous vous recontacterons aussi vite que possible.
Les informations nominatives collectées sont exclusivement destinées à l’EREB dans un but d’organisation et de facilitation des échanges
Compte rendu de la conférence téléphonique du 20 mars
Cellule éthique sanitaire urgente inter hospitalière régionale
Invité : Dr Philippe DONNOU pour le CD 29 avec l’accord
- Du bureau du CD 29
- Du Dr PEUDEUNIER Sylviane Vice-Présidente de la CME CHRU Brest, neuro-pédiatre
- Dr Cyril AZIF-THOMAS : Président comité d’éthique du CHRU de Brest, psychiatre.
Entretien à plusieurs le 20 mars de 16h30 à 18h15
Les noms et qualités des participants ne me sont pas connus sauf celles du Dr HAZIF-THOMAS
Compte rendu dit au « kilomètre »
L’hôpital psychiatrique de Morlaix se prépare progressivement à la survenue de la vague épidémique. Il est signifié une diminution des entrées en urgence psychiatrique
Les programmes de soins ont été suspendus
Le principe de la consultation téléphonique est en discussion
Il est évoqué la notion de « sous-citoyen » des malades psychiatriques n’ayant pratiquement plus de contact entre eux, avec des sorties extrêmement limitées à l’extérieur de l’établissement (pour fumer une cigarette par exemple) avec les seuls contacts possibles entre eux dans les couloirs de l’établissement ce qui pose le problème de la transmission interhumaine du virus.
Il est signifié que seule la fermeture des chambres empêcherait la possible diffusion du virus…
Cette fermeture des chambres est impossible au plan éthique sauf sur décision préfectorale impensable éthiquement
La problématique du désert relationnel des malades psychiatriques est donc évoquée avec une triple analyse philosophique :
- la sensation d’une existence inutile
- l’apprentissage du désespoir
- la demande de l’aide
Ces trois facteurs pouvant augmenter le risque suicidaire
Il y a donc un réel effet iatrogénique (par décision administrative sanitaire) à limiter les contacts entre les patients
La problématique des EHPAD
Selon les directives administratives précédentes, tout le monde avait le droit de sortir des EHPAD saufs les patients
Il est évoqué par certains directeurs et les coordinateurs médecins d’EHPAD la problématique de la fin de vie par exemple dans un stade terminal de démence en fin de vie imminente
La notion d’exception éthique semble s’imposer pour ce type de patient au stade terminal ou en soins palliatifs avec la demande expresse des coordinateurs médicaux d’une possibilité de visite d’un membre de la famille pour assister le patient dans son dernier souffle
D’où conflit potentiel entre l’administration et les médecins et soignants (rôle majeur des aides-soignants auprès des patients)
L’autre problème est celui de la protection du personnel sanitaire lors de la pratique de certains soins qui nécessitent la contention du patient : Le personnel est insuffisamment protégé, tant en masques chirurgicaux qu’en masques FFP 2 lors de soins actifs
Il est évoqué la problématique de l’engagement hippocratique du médecin généraliste et de tout médecin en général soumis au risque viral eu égard à la protection de sa propre cellule familiale, dans un contexte de matériel sanitaire insuffisant proposé par les administrations.
Concernant les EHPAD il est évoqué à nouveau le conflit éthique entre le respect de la dignité du patient et celui de la distanciation COVID+
- Il est expressément demandé à l’ARS une mission pour relier les stratégies auprès des EHPAD
Sont rappelées les valeurs fondamentales de l’article 2 et de l’article 3 du code de déontologie
L’article 2 rappelant que le médecin est au service de l’individu et de la santé publique, exerçant sa mission dans le respect de la vie humaine de la personne et de sa dignité.
L’article 3 rappelant que le médecin doit en toute circonstance respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement, indispensables à l’exercice de la médecine
À ce titre, les décisions administratives actuelles urgentes imposent de ne pas pouvoir visiter le patient en fin de vie s’il est covid +
Un cas pratique est rappelé à savoir qu’une infirmière s’est opposée à la direction
La théorie des baïonnettes intelligentes est alors évoquée : il existe des ordres insensés que l’on ne peut pas suivre, la fin de vie en est l’expression représentative typique.
Sur les risques de visite, il est demandé que chaque patient possède un référent pour que le soignant ne soit pas seul à prendre la décision
Il est aussi demandé la notion d’un guide référentiel pour éclairer cette décision d’exception éthique en se basant sur
- la discussion entre collègues
- l’avis d’un référent infectieux
- la liste des personnes à consulter
Des équipes de soins palliatifs seraient actuellement en organisation sur le territoire au plan régional puis à des niveaux infra territoriaux ??
Selon la direction générale de la santé (source ? DGOS ?), il y a actuellement un recensement des sites et des éléments humains et logistiques de réponses disponibles
- Selon un texte du CCNE ( lequel ?), l’état d’urgence sanitaire ne doit pas déplacer le questionnement éthique+++
Pour la structure hospitalière du CHRU de Rennes, il y a actuellement un certain nombre de lits infectieux libres
Les médecins généralistes n’osent pas adresser leurs patients infectés au CHRU.
Il y a comme une auto restriction excessive des MG
Ce qui serait la conséquence d’une carence de fourniture de matériel de protection sanitaire (le gouvernement aura des comptes à rendre +++)
La problématique des masques va submerger les soignants et les aides-soignants
Dans certaines structures certains masques utilisés sont réutilisés…
À nouveau l’engagement hippocratique est évoqué
La philosophe pose les deux questions :
- est-ce que je dois me protéger moi et mes proches
- est-ce que je dois me protéger moi et les autres
- cela pose la question de l’altruisme du corps sanitaire
Les aides-soignantes ont peur d’exercer leur métier
Des confections de masque en tissu sont proposées par certains membres du personnel, ce masque aurait 20 % d’efficacité du masque chirurgical
L’utilisation référentielle des masques est alors rappelée.
Selon les recommandations chez un sujet asymptomatique, pas de masque et distanciation de 1 m.
Mais le soignant risque d’importer le COVID dans le centre EHPAD
Pour les réunions et les repas, la distanciation de 1 m est plus efficace que le masque
La limite du masque repose sur le fait de toucher de multiples fois son visage
Il est alors évoqué la nécessité de personnes relais spécialisées pour affiner la réponse et pour l’éclairer d’une temporalité active et réflexive sur les modes de protection et d’exception éthique en fin de vie.
- L’ARS n’a pas répondu pour la demande de ces différentes cellules éthiques
Le CHRU de Reims aurait adressé un document abordant la priorisation des patients avec un score de fragilité clinique
Toutes les personnes vulnérables recensées sont en septième et huitième catégorie
Ce score de priorisation permet de recenser les besoins en matériel et les personnes ressources
La question de l’inscription des médecins dans le dispositif de surveillance sanitaire urgent est posée
La question de la médecine de guerre est abordée
Il est répondu qu’il ne s’agit d’une médecine de guerre
Il existerait un doc de 4 pages délivré par l’ANS abordant cette question notamment le positionnement éthique des médecins militaires
Nous demandons que ce document soit diffusé aux membres de la cellule
Dans le même axe de discussion, la priorisation est alors à nouveau abordée
Les retours d’information de réanimation pour les COVID sévères sont impressionnants
Les personnes âgées et fragiles ne survivront pas, les sans-domicile-fixe seront quasiment éliminés
La question éthique posée est alors celle de l’engagement d’une réanimation jusqu’au-boutiste, mais aussi celle de l’obstination déraisonnable sur des patients ayant des comorbidités majeures et ou un âge physiologique très altéré
Il est à nouveau demandé la nécessité d’une cellule éthique avec des personnes relais spécialisées pouvant être saisies en urgence, voire en consultation multidisciplinaire
Concernant toute démarche éthique, la complexité d’une résolution d’un problème en conférence téléphonique de manière orale est considérée comme très difficile.
Le cas éthique devrait être posé par écrit pour permettre une réflexion aboutie
De fait, quelques statistiques sont rappelées
Si 84 % de la population est positive, il y aura 12 % d’hospitalisés, et 5 % en réanimation, ce qui est impossible logistiquement à assurer
C’est pour cela que les autorités gouvernementales décident de ralentir au maximum la courbe
Cette notion de sévèrement fragile est aussi abordée dans un score gériatrique qui est mal interprété et que l’on ne peut étendre à la population
En matière de responsabilité médicale, la problématique de l’urgence vitale permettant de surseoir l’information est évoquée
De même qu’avant le seuil de l’urgence, la question des alternatives thérapeutiques et de l’information doit tout autant être évoquée.
La question de l’infection nosocomiale est aussi évoquée : celle-ci ne pourrait être que très difficilement reconnue du fait que l’infection virale est de type opportuniste préalable à l’hospitalisation de manière irrésistible, irrépressible et irréfragable dans un contexte d’urgence sanitaire pandémique.
La notion de présomption de faute reposant sur l’organisme de santé publique ou privée ne semble pas pouvoir s’adapter au cas précis pandémique.
Il est noté que les représentants des usagers sont actuellement écartés des hôpitaux et des différentes décisions administratives éthiques
Ces représentants des usagers auraient beaucoup de choses à dire
Par exemple la collation avec une personne extérieure au service hospitalier (généralement un membre de la famille) va être supprimée, or cette collation est souvent le seul moment chaleureux de la journée
Un journaliste intervient, représentant à la fois le Télégramme l’Ouest-France et Publi hebdo
Il rappelle la demande expresse des médias concernant le fonctionnement des réanimations, du principe de priorisation, avec l’impression d’une autocensure du corps sanitaire hospitalier, et le sentiment de sacrifier les gens à 70 ans
Il n’a pas été proposé de réponse exacte au journaliste, mais surtout d’insister sur des principes de bon sens de protection de la population, distanciation, confinement etc.
Question du journaliste : la Bretagne a-t-elle les infrastructures pour soigner les gens, compte tenu des TGV bondés qui ont déferlé durant la semaine avec des Parisiens entassés les uns sur les autres.
Il est prévu une nouvelle réunion vendredi 27 mars à 16h30 avec accord des parties
Ci-joint la réflexion reçue le 21 mars 2020 de Mme Agathe ZIELINSKI, philosophe
Le « droit au retrait » est-il compatible avec le serment d’Hippocrate ?
Quelques très brefs éléments de réflexion.
Tout d’abord, il me semble que l’éthique hippocratique est centrée sur autrui (la personne malade) : sa visée est la recherche du bien d’autrui (la santé, la guérison, le soulagement…). Je propose donc de réfléchir en termes de visée (qu’est-ce qui est recherché, quel est le but) ou de motivation, et d’articulation entre la fin (soigner) et les moyens.
- Hypothèse 1: si la référence au droit de retrait a pour but de se protéger soi-même, alors la visée est centrée sur soi et non sur autrui, et n’est donc pas compatible avec l’idéal hippocratique. La motivation est alors l’intérêt personnel, et non l’intérêt d’autrui ou du plus grand nombre.
- Hypothèse 2: dans l’hypothèse où je serais infecté par le Covid-19, ou en suspicion d’être infecté, l’option du droit au retrait peut être formulée au nom de la protection du plus grand nombre (la visée étant d’éviter la contamination d’autres personnes).
Cependant, on peut aussi élargir la réflexion en termes d’articulation de la fin et des moyens : si j’ai les moyens (protections diverses) de continuer à soigner des personnes tout en évitant autant que faire se peut la contamination, alors peut se poser la question de poursuivre les soins.
Si ces moyens de protection font défaut (cf. la discussion sur le manque de masques), alors je peux chercher comment participer à la lutte contre l’épidémie par d’autres moyens que le soin direct auprès des patients (consultations téléphoniques etc).
En situation extrême, on peut aussi raisonner en termes de bénéfices / risques : est-ce que l’aide que je serais susceptible d’apporter pourrait être supérieure au risque d’effets négatifs par la probabilité de la contamination ?
- Hypothèse 3: si le but d’exercer le droit au retrait est de manifester une protestation auprès du Ministère de la santé ou du gouvernement (sur le manque de moyens, le retard de la réaction etc), il semble que dans ce cas, le moyen choisi (le retrait) n’est pas nécessairement le plus pertinent (il y a d’autres moyens d’exprimer une protestation) et il entre en contradiction avec la finalité de l’éthique hippocratique, qui est de soigner.
Agata ZIELINSKI
Maître de conférences en philosophie
Faculté de Médecine de l’Université de Rennes 1
Compte rendu de la conférence téléphonique du 27 mars
EREB CHRU de Brest
Dr Philippe DONNOU pour le CD 29
Entretien de 11 h à 12h05
Il est signalé d’entrée que trois procédures de réflexion éthique sont créées en urgence en Bretagne du fait de la pandémie : Brest, Vannes, Rennes
Nous traversons une crise majeure et positionner des repères n’est pas facile
La dynamique des structures libérales est complexe (retour du terrain des médecins généralistes)
De ce fait, différentes fiches de questionnement ont été adressées à l’EREB
La mission du jour est de tenter de répondre aux questions posées
La première problématique concerne la prise de photos du défunt en EHPAD
La dignité de la personne persiste après la mort, cette dignité soulève la qualité de la relation entre les proches du défunt.
Il existe toutefois une dignité intrinsèque au sujet défunt quelque-soit la qualité de son entourage
Au plan psychiatrique, une photo est-elle acceptable pour l’acceptation du deuil ?
Il y a une réponse initiale du comité consultatif national d’éthique sur le problème des décès en EHPAD : si la non présentation du corps du défunt est une nécessité pour éviter la propagation virale, la notion de la photo remise à un proche doit relever d’une requête expresse préalable de la famille avant le décès
- Le comité brestois à l’unanimité trouve que cette proposition de requête expresse est trop restrictive
Il y a eu un autre avis du comité de la santé publique HSCP qui signale que le risque infectieux ne disparaît pas immédiatement après le décès du patient :
Cependant, la mise en bière immédiate n’est plus exigée, et il serait possible de voir le sujet à visage découvert, ce qui implique que pratiquement les proches peuvent voir le parent défunt
La pratique d’une photographie soulève la question de la protection des données
Si la photographie est pratiquée par le corps médical, cette photo appartient au dossier médical et la communication d’un quelconque élément du dossier médical nécessite de suivre la procédure d’accès au dossier médical inscrit dans la loi du 4 mars 2002
Mais au-delà de l’acte médical il y a la notion de photos intimes demandées par la famille, que ce soit par pratique personnelle, culturelle et ou cultuelle
Aussi, si la photographie n’est pas effectuée par le corps médical, la photo ne fait pas partie du dossier médical
Mais nous émettons en tant que membre du conseil de l’ordre les éléments suivants
- Que la photo soit prise par un membre du personnel médical ou un membre de l’administration, dans les deux cas elle fait partie du dossier médical qui comprend une branche administrative (la photo sera prise dans les locaux EPHAD)
- Il faudrait demander aux organismes funéraires leur type d’engagement éthique et administratif, on ne peut imposer la pratique de la photo par l’organisme funéraire : il faut leur accord.
- En terme éthique, donc sur degré supérieur de pensée, la question de la pratique sociale (faire la photographie à la demande intime et précise de la famille) doit être supérieure à la technique médicale
La question de l’information préalable des résidents à la pratique d’une photo avant leur décès est alors posée
Le sujet est très difficile
Sur une demande effective et intime de la famille : mais il ne s’agit pas réellement d’une directive anticipée du patient (rares sont les patients qui demandent une photo post-mortem de leur visage)…
Sur le plan pratique, le comité pense que le mourant ne va pas être prévenu préalablement d’une pratique éventuelle d’une photo post mortem (on l’enterrerait de son vivant…) mais que la famille risque de demander à l’administration l’organisation de la photo
Il est retenu le consensus suivant :
- L’administration de l’EHPAD pourrait proposer à l’organisme funéraire de prendre la photographie du défunt qui serait alors à disposition de la famille
- La problématique de la prise de la photo serait alors posée, téléphone portable, appareil dédié.
- De toute manière les deux questions du secret professionnel et du respect de la dignité du défunt et l’intimité des proches seront alors posées avec un engagement de responsabilité du détenteur de la photographie qui s’exposerait à un délit en cas de circulation illicite de la photographie
Si le personnel médical se dit choqué à l’idée de prendre la photo (plus classiquement l’aide-soignante et l’infirmière), celui-ci possède par définition le droit de retrait
En pratique il peut être proposé aux EHPAD (corps administratif et soignants tous confondus)
- de proposer à l’organisme funéraire de pratiquer la photographie
- de discuter en équipe pour avoir une attitude claire sur la demande précise des proches
- cette photographie ne serait pas faite à titre systématique.
- En tout cas elle serait effectuée sur demande circonstanciée de la famille
La deuxième question concerne le confinement sanitaire chez les sujets fragiles psychologiquement en EHPAD type Alzheimer ou autre démence
Si le sujet présente des troubles cognitifs majeurs engageant son immunité virale et celle des autres lors d’une déambulation dans le couloir, il est conseillé un « isolement accompagné » par l’équipe sanitaire
Cet isolement peut être source d’augmentation d’anxiété voire d’augmentation de la sédation, mais cela ne saurait être systématique
La notion de « confinement thérapeutique », formule à retenir, ne peut pas être considérée comme un isolement dans un cachot
En effet si le patient présente des troubles sévères, et qu’il est positif au virus, avec une déambulation importante, l’isolement s’impose
Si le patient est agité, covid négatif, le confinement préventif s’impose aussi
- Mais toutes ces actions pratiques sont limitées par la quantité du personnel disponible
La troisième question est celle de l’accompagnement palliatif en EHPAD dans une salle comportant différents boxes pour les patients dégradés covid +
Serait-il étique de laisser les patients décédés mourir les uns à côté des autres ?
La question de l’alternative thérapeutique de l’hospitalisation est à poser préalablement.
Car avant l’hospitalisation en réanimation pour la victime, la notion de tri thérapeutique ne peut être posée
Mais les avis divergent car pour certains le tri se fera avant le départ en réanimation, donc de fait le risque de voir des patients mourir les uns à côtés des autres est réel
Le positionnement de différents patients dégradés dans une salle dédiée covid + pose la question du passage des équipes de soins palliatifs mobiles ce qui fait partie d’un projet demandé lors de la précédente réunion du 20 mars 2020
La quatrième question concerne le dilemme entre celui de mourir de son isolement chez un patient hospitalisé depuis plusieurs années en psychiatrie consécutif à un syndrome de glissement secondaire à confinement rendu nécessaire, ou à celui de contracter le virus lors de sa déambulation et de mourir rapidement
La réponse des psychiatres semble être la suivante :
L’impact psychologique du confinement social chez un patient psychiatrique depuis une trentaine d’années est relatif car celui-ci (le patient) peut être habitué à une restriction chronique. Il serait plus capable de gérer le confinement qu’un sujet hospitalisé récemment sans habitude préalable du confinement thérapeutique
S’il est vrai que les sujets fragiles sont préservés avec moins de contacts inter humains et qu’il y a un risque de contamination, on positionne cette personne dans un lieu considéré comme plus sûr
Mourir des conséquences négatives du confinement est bien sûr possible
- mais tout confinement ne doit pas procurer un désert relationnel
- la bienveillance permet de lutter contre le désert relationnel
- la réponse est à affiner en fonction du vécu du sujet.
- elle est aussi fonction de l’organisation de la structure
Pour un autre intervenant, s’il est « moins pire » d’avoir un COVID à 80 ans que pour un jeune, ce qui risque d’apparaître au-delà de huit jours de confinement chez un sujet fragile c’est un stress post-traumatique
Le comité revient sur la problématique de la sédation parfois excessive
Il est vrai qu’il y a des patients anxieux psychiatriques nettement dépendant de la thérapeutique chez qui la nécessité d’une sédation augmentée est obligée, mais cette sédation augmentée doit être suivie d’un support humain pour lutter contre l’angoisse.
- En d’autres termes le confinement ne doit être pas synonyme d’une absence de lien humain
- question sur le personnel disponible et l’inquiétude du personnel sur les covid +
Un exemple vécu est rappelé à savoir celui des « sonneurs chroniques » en milieu psychiatrique âgé.
Une action bienveillante est pré-pensée en passant voit régulièrement le patient permet de lever les angoisses et la dégradation anxieuse
Il est aussi rappelé que la poursuite des activités sociales doit autant que possible être préservée, jeux, créativité, mais tout ceci est fonction du type qualitatif et quantitatif de l’institution
Brest le 27.03.2020
Dr Philippe DONNOU
Compte rendu de la conférence téléphonique du 3 avril 2020
Cellule de soutien éthique du CHRU de Brest
Dr Philippe DONNOU pour le CD 29
Entretien de 11 h à 12h00
Deux questions sont avancées dans la matinée :
- un patient hospitalisé en EHPAD ou en milieu psychiatrique peut-il refuser un test COVID 19
- il y a-t-il des dérogations pour visiter un parent en phase terminale qui réside en EHPAD
Première question :
Le refus par le résident de subir le test peut être gênant pour l’hôpital ou la structure car on ne sait pas à priori si le patient sera positionné soit en structure COVID – ou en structure Covid +
C’est donc la problématique de la difficulté d’orientation qui est soulevée si un patient refuse le test, et cette question n’a pas encore été abordée directement par le comité consultatif national d’éthique.
Le problème n’est pas tant celui d’un malade qui refuse le test, mais surtout celui de la quantité du matériel disponible ce qui repousse à un problème de santé publique c’est-à-dire celui de l’accès aux tests.
Pour le philosophe deux questions doivent être posées.
- A-t-on la possibilité de pratiquer le test ?
- le sujet a-t-il le droit de refuser le test ou de manière corollaire : peut-on imposer la pratique du test à un patient ?
Au point de vue ordinal :
La notion d’urgence à titre individuel est confrontée à la notion d’urgence sanitaire globale.
- À titre individuel en cas d’urgence thérapeutique l’information est succincte voire nulle à l’intention du malade et à l’intention de la personne de confiance : il n’y a pas d’autre choix que celui proposé pour sauver la vie ; nous ne pensons pas que la pratique du test soit une urgence individuelle vitale aussi en corolaire on ne peut l’imposer et on doit donc l’expliquer
- dans le cadre de l’urgence thérapeutique, c’est une urgence d’action, on n’a pas le temps de la réflexion. C’est l’équipe médicale dans son ensemble avec la sagesse qui doit prendre la décision
- à titre individuel en l’absence d’urgence thérapeutique, le praticien est soumis un devoir d’information sur les risques fréquents graves ou normalement prévisibles de toute action thérapeutique, et en cas de refus de l’action thérapeutique le praticien à l’obligation d’informer le patient des risques encourus à ne pas subir le soin proposé, mais il est soumis à une autre obligation qui est celle de la chaîne de soins qu’il doit proposer à son patient c’est-à-dire l’autre alternative thérapeutique en l’absence de pratique de test
- dans tous les cas, cela nécessite une traçabilité du dossier +++ avec le degré de preuve maximal qui repose sur l’écrit et l’envoi d’un courrier spécifique au médecin traitant et à la personne de confiance pour expliquer le refus du test +++
La question est alors plus celle de l’intérêt général à pratiquer le test chez un patient qui semble réticent pour des raisons qui peuvent être diverses telle : « je ne veux pas savoir si je suis malade »
Dans cette possibilité, il ne s’agit pas réellement d’une urgence thérapeutique mais d’une urgence sanitaire dépassant l’intérêt particulier (la pratique du test) nécessitant une action rapide et coordonnée de la part de la structure de soins avec un laps de temps limité pour engager la procédure du test.
Dans cette situation c’est l’équipe médicale avec la sagesse qui lui est connue qui doit prendre la décision
Le facteur limitant étant celui-ci : « a-t-on le droit de priver quelqu’un de sa liberté de refuser le test pour le plus grand bien des autres ? »
Pour le psychiatre, cela pose le principe du cadre d’humanité et de tension publique de l’autre.
Un exemple présenté est celui d’une fin de vie et d’un refus du test COVID 19, dans ce cas le principe d’humanité doit être supérieur à celui de santé publique mais cela ne doit aucunement signifier qu’on ne prend aucune protection sanitaire
Dans tous les cas il faudra introduire la question du principe d’humanité, s’attacher au respect de la personne, et il ne faut pas que le virus impose sa loi
En effet personne n’imagine que l’on puisse quelqu’un subir un prélèvement
Cependant, on peut supposer qu’une équipe arrivera toujours à convaincre le résident à subir le test, mais cette action alourdira forcément la réflexion
En fait en cas de refus de pratique du test COVID 19, la conclusion est binaire
- soit le patient retourne au domicile, question majeure de logistique et de disponibilité des aidants familiaux
- soit le résident est adressé par défaut en service COVID 19 + de manière systématique et il doit en être informé de même que la personne de confiance, en s’appuyant sur la notion de l’intérêt général qui dépasse l’intérêt personnel
Question : est-ce que le refus du test COVID 19 est équivalent à un refus du traitement ?
S’il est un refus de soins, celui-ci impose de proposer des alternatives pour pallier à cette absence.
Si le test covid 19 est refusé (95 % de résultat positif et 5 % de faux négatifs) la pratique d’un scanner thoracique pourrait être une alternative (mise en pratique logistique bien difficile lourde et coûteuse)
En effet la PCR et le scanner sont les deux examens majeurs dans la suspicion de maladie covid 19
Dans tous les cas dans le cas d’un refus de la pratique du test COVID 19, il faudrait essayer d’obtenir le consentement du patient, avec l’aide de témoins, de la personne de confiance, et du comité d’éthique local
Est-ce que le refus du test peut être en rapport avec des directives anticipées, notamment si les directives anticipées sont incompatibles avec la solution médicale pandémique nécessitant des conduites administratives et sanitaires quasi imposées :
Eléments de réponse : le droit de refuser le test COVID 19 ne sera pas nécessairement opposable au patient
Pour le philosophe selon Aristote : « il n’y a de loi que générale hors, la vie n’est que situations et cas particuliers »
Au plan ordinal selon le code de déontologie, les articles 8 et les articles 12 peuvent servir la réflexion du médecin de l’équipe sanitaire
8 : dans les limites fixées par la loi le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime le plus appropriées en la circonstance. Il doit sans négliger son devoir d’assistance morale limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages des inconvénients et des conséquences des différentes investigations thérapeutiques possibles.
Le tout étant encadré la sécurité sociale L – 162 – 2 – 1 : la plus stricte économie compatible avec l’efficacité du traitement.
12 : le médecin doit porter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé de l’éducation sanitaire. Et dans les commentaires : …la fréquence des handicaps, l’émergence d’une épidémie connue des responsables de santé publique de manière aussi précise et rapide que possible…
Il est donc proposé un travail de persuasion du patient, ou du résident, quel que soit son niveau de discernement (personne de confiance, témoin) avec une rédaction très spécifique et précise du dossier médical quant aux informations délivrées aux patients ou aux résidents sur les différentes alternatives, Le tout non pas dans un contexte d’urgence individuelle (sauf cas clinique d’espèce)) mais plus dans un contexte d’urgence sanitaire pandémique de protection de l’individu et la société
De manière globale la cellule brestoise semble retenir la formule suivante : en cas de refus d’un test, selon le principe « supérieur conjoncturel » de la protection générale, le sujet serait adressé en unité COVID +
La réflexion n’est pas figée à ce stade de la discussion.
La seconde question est celle d’une visite dans un EHPAD pour une personne en fin de vie ne présentant pas de signes de la maladie COVID
La réponse reste résolument administrative avec la décision du directeur de l’établissement qui suit les préconisations de l’ARS
L’EHPAD restant toutefois un lieu privé avec une possibilité d’accord ou de désaccord de visite à la personne demandeuse
Le comité consultatif national d’éthique demande dans tous les cas l’assentiment du résident à cette visite car il n’est pas dit à priori que chaque résident accepterait le principe d’une visite extérieure
Il est rappelé que la cellule éthique répond en droit, mais pas en opportunité, selon deux principes fondamentaux de bienveillance et d’humanité
Si le patient veut voir sa famille, le directeur doit être entouré de manière collégiale pour sa décision
- De plus, rien n’empêche un résident de sortir de l’EHPAD …
Dr DONNOU le 3 avril
Docteur Philippe DONNOU
Brest le 06 avril 2020
« Déontologie et urgence sanitaire »
A la demande du Dr Cyril AZIF-THOMAS
Extraits du thesaurus rédigé par le CNOM adressé le 2 avril 2020 aux conseils départementaux
Les données présentées sont susceptibles d’être complétées compte tenu des circonstances
2 ED – Question sur le secret médical dans le cadre de l’épidémie COVID
Demande d’un médecin de document sur lequel il pourrait s’appuyer pour les transmissions d’informations dans le cadre d’un projet de création d’une plate-forme téléphonique de soutien à la population d’un canton de Lozère impliquant les médecins et les services administratifs communaux.
https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-
Et lien vers les informations actualisées diffusées par le ministère de la santé :
https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/covid-19-informations-aux-professionnels-de-sante/article/covid-19-prise-en-charge-en-ambulatoire#Prise-en-charge-a-domicile-et-isolement
- ED – Secret médical et soignants contaminés par le Coronavirus
Les personnels soignants ont droit au respect du secret médical les concernant. Il n’y a pas de levée du secret médical ni de dérogation dans les circonstances sanitaires actuelles.
- ED – Question du droit de retrait des médecins généralistes libéraux face aux risque du Covid-19 et de l’absence de mise à disposition de masques :
L’absence de mise à disposition pour les médecins libéraux de masques de type FFP1 alors que certains médecins attendaient des masques de type FPP2 a été évoquée en bureau du conseil national ainsi que la question d’un éventuel droit de retrait des médecins.
Cette éventualité a été écartée, notamment au regard des obligations déontologiques des médecins, en particulier celles d’assurer la continuité des soins quelles que soient les circonstances et de ne pas abandonner les malades même en cas de danger public (articles 47 et 48 du code de déontologie).
- EP – Médecins volontaires et faisant fonction d’infirmier :
Question sur l’appel des hôpitaux à des médecins volontaires disponibles, hospitaliers ou libéraux, afin qu’ils remplissent des fonctions d’infirmiers face à l’impossibilité de trouver les ressources nécessaires auprès des infirmiers ?
Des médecins sont prêts à assurer ces fonctions mais dans un cadre sécurisé.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins estime que la situation exceptionnelle en raison de laquelle le Parlement a déclaré l’état d’urgence sanitaire peut conduire à des prises en charge inhabituelles.
La réalisation d’actes infirmiers par un médecin résultera d’une instruction écrite de l’établissement de santé. Le médecin n’exercera donc pas au-delà des missions qui lui ont été confiées.
De surcroit un médecin qui prend part au traitement des maladies, à quelque titre que ce soit et de quelle que manière que ce soit ne peut pas se trouver en situation illégale, compte tenu des termes de l’article L 4161-1 du code de la santé publique.
Il n’y a donc pas d’obstacle à l’intervention des médecins en tant que faisant fonction d’infirmier
- EP – Autres catégories de professionnels de santé faisant fonction d’infirmier dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire :
Pour les médecins hors UE en procédure de PAE cette possibilité de renfort infirmier ponctuel parait envisageable dans le service ou l’établissement où ils exerceraient, le cas échéant par réaffectation, mais toujours dans le cadre de leur cursus.
Pour les internes, une instruction ministérielle envisage déjà la réaffectation dans un autre service pour une activité d’interne. Il apparait là aussi envisageable que dans ce cadre ils puissent apporter un renfort infirmier ponctuel
Dans les deux cas ce n’est pas à l’Ordre mais à l’ARS, aux instances hospitalières et universitaires (pour les internes) de déroger aux règles applicables en prenant leurs responsabilités comme le CNOM a prises les siennes en donnant sa position vis-à-vis des médecins inscrits à l’ordre
- SP – Possibilité de « télésuivi » des patients assuré par des infirmiers :
Les dispositions de l’article 8 de l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire précisent que :
« I. – Les professionnels de santé assurant la prise en charge par télésanté des patients suspectés d’infection ou reconnus covid-19 recourent à des outils numériques respectant la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé et la réglementation relative à l’hébergement des données de santé ou, pour faire face à la crise sanitaire, à tout autre outil numérique.
- – Le suivi des patients dont le diagnostic d’infection à covid-19 a été posé cliniquement ou biologiquement peut être assuré par les infirmiers diplômés d’Etat libéral ou salarié d’une structure mentionnée au 1er alinéa de l’article L. 162-1-7 par télésoin sous la forme d’un télésuivi.
Le télésuivi infirmier participe, sur prescription médicale, à la surveillance clinique des patients suspectés d’infection ou reconnus atteints du covid-19.
Le télésuivi infirmier est réalisé préférentiellement par vidéotransmission avec le patient, ou par téléphone si les équipements du patient et de l’infirmier ne le permettent pas. »
- EP – Quelles sont les modalités de réquisition des médecins :
En application de l’article L. 3131-8 du code de la santé publique, « sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé, le représentant de l’État dans le département peut […] requérir le service de tout professionnel de santé ».
Par ailleurs, l’article 12- 1 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a habilité le représentant de l’Etat dans le département, si l’afflux de patients ou de victime de la situation sanitaire le justifie, à ordonner, par des mesures générales ou individuelles, la réquisition nécessaire de tout établissement de santé ou établissement médico-social ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de ces établissements notamment des personnels de santé.
Sur ces fondements, un arrêté portant diverses dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraité ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie civid-19 a été publié le 30 mars 2020 (cf. question n° X)
La réquisition est prononcée par le préfet de département, par le biais d’arrêtés individuels ou collectifs (liste nominative de personnels).
Cet arrêté de réquisition doit être notifié individuellement à chaque personne réquisitionnée. Si, dans le droit commun, les arrêtés de réquisition doivent être remis au préalable et en main propre ou par voie de courrier recommandé avec accusé de réception ; il est possible, au vu des circonstances exceptionnelles, que la notification soit faite à la personne réquisitionnée par tout moyen de communication permettant d’attester de cette notification. La personne peut être également préalablement alertée par tout moyen de communication (appel téléphonique, SMS ou courrier électronique), une copie de l’arrêté lui étant remise ensuite au début de sa réquisition.
Pour les médecins non connus de l’assurance maladie (médecins retraités, non exerçant…), un «numéro fictif » dédié CORONAVIRUS est appliqué pour la prise en charge de l’ordonnance ;il s’agit du n°29199145 3.
Par conséquent, un seul numéro sera utilisé quel que soit le prescripteur (y compris pour le médecin retraité, pour lequel la CNAM n’utilisera pas le « n° fictif » dédié MEDECIN RETRAITE) et pour toutes les prescriptions (arrêt de travail ou autres). Le médecin devra également indiquer ses coordonnées sur la prescription et sur l’avis d’arrêt de travail
- EP – Quel est le régime de responsabilité du médecin qui fait l’objet d’une réquisition du Préfet dans le cadre du coronavirus
En cas de réquisition, le médecin est assuré par l’Etat. La réquisition a pour effet de procurer la protection de l’Etat aux médecins réquisitionnés.
Cette protection comprend la défense juridique et la garantie de dommages causés ou subis (accidents de trajet ou de service) pour les médecins.
- EP – Le médecin qui fait l’objet d’une réquisition par le Préfet peut-il refuser de se rendre à la réquisition?
Non, le médecin réquisition ne peut refuser de déférer à une réquisition.
L’article L. 3136-1 du code de la santé publique prévoit en effet :
« Le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende.
Le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. »
Le médecin réquisitionné qui serait dans l’impossibilité d’effectuer sa mission pour des raisons médicales justifiées (médecin lui-même atteint du coronavirus par exemple), se doit d’informer les autorités compétentes et notamment son Conseil départemental, l’ARS, l’autorité requérante et le SAMU
- ED – Fichier SIVIC :
En cas de situation sanitaire exceptionnelle, la loi (article L.3131-9-1 du code la santé publique) prévoit que les informations strictement nécessaires à l’identification des victimes et à leur suivi sont recueillies dans un « système d’identification unique des victimes » (SIVIC).
L’article R. 3131-10-1 du code de la santé publique précise quelles sont les données à caractère personnel concernant les personnes prises en charge qui peuvent être enregistrées dans SIVIC :
Données permettant leur dénombrement ;
Données permettant leur identification ;
Données relatives à leur prise en charge sanitaire, y compris médico-psychologique ;
Données portant sur l’identité et les coordonnées des personnes à contacter en cas de prise en charge.
S’agissant du recueil de ces données et de leur enregistrement dans SIVIC, le texte actuellement en vigueur indique que cela est effectué « par les personnels des établissements de santé prenant en charge les victimes, y compris dans le cadre des services d’aide médicale urgente ou des cellules d’urgence médico-psychologiques » et « par les personnels des services de premier secours relevant de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure » (article R. 3131-10-2).
Un projet de décret modifiant ces dispositions a été soumis à l’automne 2019 au Conseil national par la Direction Générale de la santé et il a été acté que les professionnels de santé n’ont pas à remplir SIVIC.
Les médecins n’ont pas à remplir le fichier SIVIC
- EP – Qui peut rédiger les certificats de décès :
Tout médecin inscrit au tableau de l’Ordre des médecins, quelle que soit sa spécialité, peut établir un certificat de décès.
Si la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a prévu que les étudiants en cours de troisième cycle des études de médecine en France et les praticiens à diplôme étranger hors Union européenne autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, pourraient également remplir un certificat de décès, le décret qui devait en préciser les conditions n’est toujours pas publié.
On peut le regretter dans la mesure où ce décret devait également régler la question de la responsabilité, de la rémunération et du tiers payant pour les médecins retraités sans activité volontaires pour établir ces certificats.
- ED – Contenu du constat de décès :
Le médecin qui constate le décès remplit le certificat de décès.
Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, précise la ou les causes de décès (cf. article L.2223-42 du code général des collectivités territoriales).
Lorsque le patient décédé est porteur de l’infection par le virus SARS-CoV-2, dans la rubrique « informations funéraires », le médecin coche les cases :
obstacle aux soins de conservation ;
obstacle au don du corps à la science.
Article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales : « L’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat attestant le décès, établi par un médecin, en activité (…). Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, précise la ou les causes de décès, aux fins de transmission à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et aux organismes dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et qui ont accès aux données relatives aux causes médicales de décès pour l’accomplissement de leurs missions. (…) ».
- SP – Prise en charge du corps d’un patient probable ou confirmé Covid-19 et soins du corps :
AVIS Haut Conseil de la santé publique relatif à la prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé COVID-19 – 24 Mars 2020
Le HCSP rappelle que, dans la prise en charge des personnes décédées, il convient de respecter la stricte observance des règles d’hygiène et de mesures de distance physique.
Le personnel en charge de la toilette, de l’habillage ou du transfert dans une housse est équipé d’une tenue de protection adaptée (lunettes, masque chirurgical, tablier anti projection, gants à usage unique).
Les proches peuvent voir le visage de la personne décédée dans la chambre hospitalière, mortuaire ou funéraire, tout en respectant les mesures barrière définies ci-après pour chaque lieu.
Si un impératif rituel nécessite la présence active de personnes désignées par les proches, cela doit être limité à deux personnes au maximum, équipées comme le personnel en charge de la toilette, de l’habillage ou du transfert dans une housse, après accord de l’équipe de soins ou du personnel de la chambre mortuaire ou funéraire, selon le lieu de sa réalisation.
Contribution à la réunion du vendredi 10 avril, CHRU Brest à 11 h
La première question concernait le positionnement de l’équipe soignante chez un psychotique hospitalo-requérant désirant voir sa mère mourante
Deux aspects se singularisent
D’une part l’aspect humain, d’autre part l’aspect juridique avec au maximum l’interdiction de visite
Il apparaît que la décision est « directeur dépendant »
La problématique de fond étant de savoir comment déroger au confinement et permettre une entrée possible du proche en tenant compte des mesures barrières pour qu’il puisse se rapprocher de sa mère et éviter ainsi une vision délétère et irréelle de sa mère ce qui pourrait le déstabiliser
Il ne semble pas exister de doctrine totalement verrouillée sur cette problématique
Il s’agit typiquement d’un cas d’espèce qui nécessite une approche de mesure et d’évaluation du danger
La responsabilité du directeur d’EHPAD semble plurielle :
- éliminer le danger pour les deux usagers
- respecter le collectif
- le tout dans un contexte national où l’on est appelé à ne pas sortir de son domicile ou du centre d’accueil
Les notions d’humanité et de singularité sont à évaluer systématiquement et à pondérer par rapport à la double situation familiale (le fils fragile et la mère mourante)
- Il est rappelé l’article 9 du code de déontologie :
« tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance et s’assurer qu’il reçoit des soins nécessaires »
Dans le cas d’espèce, on peut considérer que la structure psychologique du fils psychotique est en péril s’il ne voit pas sa mère et inversement celui de la mère si elle ne voit pas son fils alors qu’elle est en phase de mort quasi certaine
- Le principe de collégialité dans la décision +++
La deuxième problématique abordée est celle de la toilette mortuaire, du positionnement du linceul
Cette question concerne plus le rite musulman que le rite catholique
En effet l’aumônier catholique présent a signifié l’existence d’un courrier de l’Evêché du diocèse de Quimper signifiant que les contacts corporels avec le défunt, le contact avec le cercueil sont interdits dans les hôpitaux et EHPAD
Avec toutefois une autorisation d’une célébration de 15 minutes maximum avec deux participants dans l’enceinte de l’hôpital ou de l’EHPAD
Concernant le rite musulman
Il apparaît que la décision administrative du 1er avril 2020 impose la maison en bière immédiate et l’interdiction de toute toilette mortuaire hors certaines familles ne veulent pas respecter ce décret d’application
Certains hôpitaux acceptent de faire la toilette d’autres non, le personnel funéraire peut aussi refuser de faire la toilette par droit de retrait opposable aux parties
- Il y a donc un risque de conflit entre la nécessité symbolique des familles et la capacité pratique du personnel médical et/ou funéraire à accepter de participer à ce rite
La proposition du 1er avril 2020 semble excessive car sans possibilité d’adaptation au plan symbolique.
Il semble y avoir une unanimité de « réserve éthique contre le décret » considéré comme non éthique car la toilette mortuaire peut être considérée comme un dernier rituel soignant qui fait partie de la demande religieuse
Pour l’aumônier musulman il y aurait la possibilité de toilette sèche symbolique, avec un contact au niveau du visage des mains du défunt, mais ce contact est à risque de transmission ce qui est en opposition avec le décret du 1er avril 2020
Pour le guide funéraire présent à l’entretien, il y a trois obligations
- l’aspect funéraire symbolique
- l’aspect sanitaire
- l’aspect réglementaire
Il est donc difficile de satisfaire le rituel du fait du risque sanitaire, mais on peut le proposer de manière symbolique avec éventuellement une photo ou une visioconférence.
Il y aura-t-il une procédure recourt devant le conseil d’État ?
Car cette décision du 1er avril 2020 est une règle très générale avec l’absence de dérogations possibles
L’enjeu semble anthropologique
Il y a un net lobbying des préparateurs funéraires qui évoquent un droit de retrait du fait de risque de contamination
En fait la décision du 1er avril 2020 semble plus correspondre un lobbying des préparateurs qu’à celui des soignants
Cette question des rites funéraires est rémanente
La modification du décret semble peu probable or il y a de nombreuses familles endeuillées
La problématique du linceul ?
En pratique on met le corps après la toilette dans le linceul
Que dit précisément le dogme musulman ? : Il faut suivre les instructions du personnel soignant pour la sécurité, mais le risque sanitaire prévaut et les soignants décident
En terme éthique, une réserve peut-être émise par principe d’humanité mais cette réserve ne sera pas forcément comptable avec le décret à visée essentiellement sanitaire.
En effet en cas de toilette sèche (visage humain) même avec des gants, il y a contact ce qui est interdit par le décret imposant la mise en bière dès que possible
Pour certains il s’agit d’une application totalitaire sans nuance du deuil et de ses complications évolutives
Pour l’aumônier catholique il est bien confirmé que depuis le décret du 1er avril 2020 on ne peut ni bénir ni toucher cercueil, il y a une interdiction des soins invasifs dans l’explication décrétée par le 2 avril 2020
Pour l’aumônier musulman : le droit des vivants est supérieur droit du mort ce qui fait passer au rite symbolique de manière obligée
D’où cette question : il faut favoriser une cérémonie symbolique, ce qui permettrait de limiter la souffrance
La troisième question est celle de l’organisation du retour en foyer de vie après une hospitalisation en psychiatrie pour un sujet covid négatif avec une demande de confinement de 14 jours de la part de la direction du centre d’hébergement
La réponse semble relativement simple pour les médecins : s’il n’y a aucune symptomatologie durant l’hospitalisation, il n’y a aucune raison de le confiner
Il n’apparaît aucune recommandation à confiner en cas de symptomatologie négative
Cette précaution serait excessive et coercitive en l’absence de signe d’infection par une absence de liberté d’aller et devenir métier mais aussi par une application trop ou très anticipée du principe de précaution
On pourrait adopter le principe suivant
A la sortie de l’hôpital, le sujet serait examiné par son médecin traitant libéral qui jugerait de son état clinique et autoriserait ainsi le dé confinement, dans une obligation de moyens, pour lui permettre de vivre de manière satisfaisante dans son lieu de vie ce qui permettrait d’avoir une traçabilité du dossier au plan médical
- Il ne faut pas que le covid face sa loi en imposant des situations administratives incohérentes au plan médical
Contribution réunion EREB du vendredi 10 avril à 16h30
Rappel des actualités
Le président du comité consultatif national d’éthique a pris la direction du Haut-Conseil de santé publique
Certains membres du CCNE sont favorables cette agilité intellectuelle avec des avis et des recommandations pédagogiques, mais d’autres mettent en avant la difficulté à prendre du recul
Le risque étend l’empilement des textes :
- trop d’information tue l’information
Est évoqué le souci de conserver une indépendance de chaque cellule régionale
Pour la direction générale de la santé il faut attendre une position étatique avant de proposer une réflexion, ce qui est en conflit avec le raisonnement éthique qui n’a pas à attendre une position étatique pour décider de la rédaction d’un document
Dans les trois cellules de soutien territorial, Brest, Vannes Rennes, ainsi que dans d’autres cellules telles que Dinan et Landerneau, trois thèmes sont récurrents :
- La souffrance psychique des soignants.
- Risque de culpabilité sur les sujets qui sont résidents positifs
- La souffrance des praticiens de leur famille
Il semblerait que les décisions étatiques (politiques) proposées sous-estiment la notion de personne humaine et que la préoccupation du système de santé soit supérieure à la préoccupation du patient +++
Une question est posée sur l’indépendance du médecin à propos du texte rédigé dans la journée par le président du conseil de l’ordre des médecins le Dr BOUET, trois axes sont retenus.
- respecter la volonté du patient
- assurer une traçabilité du dossier médical
- aucune contrainte administrative ne peut s’imposer au médecin (principe d’indépendance du médecin dans sa prise de décision)
- il est rappelé par les participants la notion de collégialité indispensable entre le médecin et son administration compte tenu du contexte actuel, collégialité rendue bien difficile depuis plusieurs mois et années avec une prédominance du système administratif sur le système médical
Au plan éthique il est rappelé que l’intérêt du patient prime sur l’intérêt général, mais que les décisions administratives doivent être respectées
Ce qui signifie en d’autres termes que si l’interdit persiste de manière générale on peut déroger à cet interdit mais que la réponse du soignant peut-être une rupture (documentée et validé de manière collégiale) par rapport à l’intérêt général
D’où l’intérêt indispensable de collégialité c’est-à-dire d’un consensus pour décider de cette dérogation, mais qui déciderait de cette dérogation ?
Le groupe collégial, le directeur ? : Au final il faut un accord entre le groupe proposant la décision éthique et pratiquement la direction d’établissement
C’est-à-dire de mettre en balance l’intérêt général par rapport à l’intérêt particulier dans le cas typique d’une demande de visite des familles auprès de personnes âgées isolées en EHPAD
- Le principe du parapluie, c’est-à-dire de demander une dérogation responsable régionale des EHPAD tout en haut de la chaîne de responsabilité paraît totalement incohérent et en dehors de toute pratique et d’efficacité
Le triptyque pouvoir administratif, décision et choix du médecin, désir de citoyen peut être à l’origine de conflits
C’est poser la question de la valeur de notre démocratie avec la notion d’aspect participatif indispensable qui permet de trouver des solutions
Dans les EHPAD, il est noté que les décisions étatiques tombent souvent le week-end et que le lien avec les familles n’est pas évident
La décision finale repose sur les directeurs qui par définition ont peur de faire rentrer le virus dans l’ établissement
- D’autre part la souffrance psychologique du personnel est très lourde à supporter pour la direction
Pour d’autres, il faudrait que les EHPAD organisent des lieux d’accueil, dans les jardins, dans des parloirs car si le contact corporel et visuel disparaît, nos vieux vont mourir par syndrome de glissement etc.
Il faudrait retenir la notion du confinement souple or le confinement n’est contrôlé par personne
En théorie un confinement doit être revu toutes les 24 heures et ce n’est pas possible actuellement faute de personnel et d’urgence
Pour d’autres, la fermeture de l’établissement aux visites des extérieurs semble convenir aux résidents, au départ c’était plutôt anxiogène puis il y a une adaptation et un équilibre avec les outils modernes télécommunication
- La notion de traitement collectif de la pandémie repose sur un traitement collectif, avec un sentiment de responsabilité juridique et morale de la part du personnel, ce qui fait que le partage de responsabilité semble bénéfique
La notion d’écologie de l’esprit, considérée comme un critère cardinal doit guider les soignants mais aussi les administratifs
Cette écologie de l’esprit est difficile à vérifier car il y a une inondation d’information et une concentration verticale par les décrets qui doivent être appliqués
Il faut donc indiscutablement améliorer la communication, le dialogue
Sont présentées les trois cellules, Rennes, Vannes, Brest
Une discussion s’engage sur la communication virtuelle dans la relation de soins du fait que les soignants sont de moins en moins présents
Une étude américaine est présentée attestant de l’augmentation des suicides chez les jeunes addict à cette hyper communication virtuelle
Il est rappelé que la télé consultation médicale est reçue comme positive et que dans l’esprit des patients le numérique est bien considéré, la crainte du numérique reposant surtout d’accès aux données avec une confiance actuelle dans l’évolution du numérique
La question de violence conjugale et des enfants est aussi abordée.
Il y a une diffraction de la souffrance psychique et corporelle.
les violences aux urgences semblent augmenter.
Le rôle du médecin semble binaire :
- soit il est dans une gestion guerrière (force/police)
- soit il aborde la communication dans le discours, c’est bien son rôle majeur.
Mais le médecin n’est pas psychiatre et sa grande difficulté c’est d’aborder ces difficultés en pratique de ville
Le soignant n’est pas nécessairement empathique mais le déni de sa vulnérabilité et la non prise en compte de son impuissance par rapport à la mort ou au sujet en souffrance réduit sa capacité d’empathie du médecin
Le médecin se trouve donc en impuissance empathique du fait de la maladie grave
Une réflexion est demandée pour la réunion du 17 avril sur la notion de tri, de priorisation
- Il y aurait une voie utilitariste anglo-saxonne sur des critères et des protocoles divergents.
- Il y aurait une voie de l’indépendance française avec le conseil national de l’ordre des médecins avec des algorithmes plus protocolisés
En tout cas cela pose la question entre l’action et la pensée : plus les soins sont techniques plus ils doivent être éclairés par la technique
Il y a une dimension éthique et philosophique du tri, et dans cette notion de tri de priorisation, apparait un écran de culpabilité et entre soi et l’autre
Contribution à la réunion du vendredi 17 avril, CHRU Brest à 11 h
La première question est celle d’une MG de la région brestoise qui soulève une inégalité de prise en charge des arrêts de maladies entre les patients COVID 19 soignants et les patients covid non soignants
La réponse tient dans le document de l’assurance maladie :
- Si l’arrêt demandé concerne un soignant travaillant en établissement de santé, c’est au médecin du travail de l’établissement d’analyser au plus juste la demande d’arrêt de travail en fonction des critères cliniques et les impératifs de fonctionnement de l’établissement
- Nous n’avons pas trouvé de date limite de 8 jours au-delà de laquelle l’arrêt serait refusé par la caisse du soignant
- nous avons demandé au Dr X de nous délivrer ce document, à ce jour pas de réponse
- Prise en charge des indemnités journalières pour les professionnels de santé libéraux
- Si le professionnel est malade, il consulte un médecin pour obtenir un arrêt de travail (ou fait une auto prescription s’il est médecin, de préférence en ligne).
- Si le professionnel est contraint de garder un enfant, il se connecte sur le site ameli.fr, accède au service « employeur », choisit de s’identifier avec son numéro ADELI/AMELI/RPPS, indique ce numéro dans la case « N° employeur » puis complète les informations demandées le concernant.
- Si le professionnel présente une fragilité l’exposant à une forme grave de Covid 19 au titre des pathologies listées par le Haut Conseil de la santé publique :
- soit il consulte un médecin pour obtenir un arrêt de travail (ou fait une auto-prescription s’il est médecin, de préférence en ligne),
- soit il se connecte sur le site ameli.fr, accède au service « assuré », et, s’il remplit les conditions indiquées, procède à une demande d’arrêt de travail en ligne.
- Si le professionnel partage son domicile avec une personne dont l’état de santé est considéré comme fragilepar le Haut Conseil de la Santé Publique, il peut se voir délivrer un arrêt de travail par son médecin traitant ou à défaut un médecin de ville.
- Prise en charge des indemnités journalières pour les personnels soignants ou administratifs des établissements de santé
L’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) prévoit que ce dispositif ne s’applique pas pour les personnels salariés soignants ou administratifs des établissements de santé et médicaux sociaux. Sont considérés comme soignants les professionnels qui sont au contact direct des personnes accueillies ou hébergées pour leur apporter des soins ou une aide à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. Afin de les protéger tout en permettant la continuité de service, le HCSP prévoit que la situation des personnels soignants soit évaluée au cas par cas en lien avec la médecine du travail de l’établissement en fonction de la gravité de la pathologie et de son évolutivité. L’arrêt de travail éventuellement nécessaire peut être établi par un médecin de ville ou, depuis le 1er avril, par le médecin du travail lui-même. L’utilisation du téléservice declare.ameil.fr n’est pas possible.
Dans le débat qui suit est développée la question de l’utilité sociale de l’arrêt de travail dans un contexte infectieux d’urgence sanitaire, en notifiant que la pression de l’institution est moindre en Bretagne qu’en région parisienne
La seconde question est celle de la capacité de travail des soignants face aux souffrances psychiques, les soignants pouvant aussi être en souffrance psychique
La sollicitude morale des soignants est connue pour être à l’origine de cette souffrance psycho considérée comme invisible
c’est plus la notion de pandémie virale qui est traumatisante que le confinement qui en est secondaire, et c’est la cause du confinement qui est anxiogéne
Question 3 : celle de l’attitude des proches / confinement
On revient encore au choix du directeur d’EHPAD prise en fonction des principes de confinement et si possible de manière collégiale
La question récurrente est celle du fantasme de la mort, celle-ci étant introduite par le sujet extérieur qui va entrer dans l’EHAPD et diffuser le virus mortel mais fantasmé
Ce qui fait dire que certains résidents souffrent du confinement mais d’autres l’apprécient ou du moins en sont moins impactés
Quoi qu’il en soit,
- des espaces sont à privilégier pour recevoir les proches, l’idée de parloir étant proscrite ethiquement parlant
- des autorisations exceptionnelles sont possibles en accord avec le médecin coordinateur et la direction
La question 4 est celle de la démocratie sanitaire et de la faible participation des usagers
Est-ce un problème éthique ou relationnel ? Car dans 70 % à 90 % des sujets développés les usagers ne sont pas associés aux décisions…
Il serait souhaitable de renouveler une confiance Usagers / Etablissements pour éviter une défiance Usagers / Etablissements
C’est un respect de la démocratie que de percevoir les attentes et réflexions des commissions des usagers, le facteur limitant pouvant être la méconnaissance de la pathologie concernée en l’espèce virale
Il est aussi signifié que de nombreuses instances sont suspendues, mais que les difficultés actuelles ne doivent pas empêcher toute communication d’autant plus que l’après confinement est pour demain
Réunion EREB du vendredi 17 avril
Dr DONNOU pour le CD 29
Rappel des actualités du CCNE par le président Hubert STEPHAN
Débats
Tri et priorisation
Le confinement serait la première étape du tri pour soulager les services de réanimation, c’est de fait une atteinte nécessaire aux libertés individuelles pour un intérêt général
Au plan associatif, la notion du confinement semble être perçue favorablement
La question de la limite d’âge de 70 ans fait discussion
- On devrait tenir compte d’une nette différence entre les régions infestées
- Nécessité d’aller vers une pluralité des critères pour faire accepter la stratégie du déconfinement qui devra être lié à des mesures matérielles
- Nécessité d’une information et d’une éducation citoyenne dont la limite est la négligence actuelle sur certains gestes barrières non vérifiés
Le CNOM recommande la volonté d’indépendance du médecin pour chaque évaluation de cas clinique
L’âge est-il le juge de paix du déconfinement : il y a d’autres facteurs aussi pertinents
- Le confinement c’est l’intérêt général
- L’approche thérapeutique est celle du médecin
Mais mettre la pression sur le médecin de famille serait anormal en termes de pression psychologique et sociétale sur le praticien
Il faudrait un dialogue singulier entre le médecin et le patient, en rappelant expressément que nous ne sommes pas dans une société âgiste
Il y a des situations humaines qui dépassent le rapport administration /médecin
Il faut prendre les situations avec humilité sachant que l’on ne peut en saisir totalement les fondements
Les espaces éthiques vont à priori renoncer au critère de l’âge
La question de fond est celle de l’intelligence collective par rapport à l’intelligence individuelle
L’autre question soulevée est celle du tracking
La population ne semble pas y être prête, travail éducatif, gestion et maîtrise des données, à qui va être vendu ce surplus d’intelligence artificielle ?
Le dé confinement et les EHPAD
La question sera celle d’assurer le dé confinement au plan sanitaire
Nécessité de lier les actions et les décisions entre les conseils des usagers et les commissions sociales, dans un espace de démocratisation
- pour certains le confinement n’est pas une fin de vie
- pour d’autres, le confinement est un soulagement, voire inversement une angoisse
- ce qui pose la question de l’accès libre à l’espace et du rapport à l’espace du sujet âgé
Il est bien noté que le confinement et le dé confinement sont liés à l’encombrement toujours possible des réanimations : stratégie politique situationnelle unique
Retour sur le rôle des commissions des usagers avec la notion d’une boucle de rétroaction démocratique absente actuellement par absence de dialogues avec les instances
- Pratiquement, l’ensemble participatif n’existe plus, la démocratie sanitaire a disparu pour un pouvoir prédominant des médecins et des spécialistes, l’usager a disparu des radars (mal vécu)
- En bref : la démocratie en santé est essentielle mais elle implique de s’interesser à la santé de la démocratie
Contribution EREB du 25 avril 2020
Questions
- fragilité et fragilisation des personnels soignants (dont déclaration de maladie professionnelle)
- problème de communication avenir déjà installée : focus sur les malades et les malentendants
Le gouvernement a laissé entendre le 23 avril 2020 que le COVID 19 serait considéré comme une maladie professionnelle pour uniquement le personnel soignant
Quelques précisions s’imposent
Aide mémoire juridique Tj19 (mise à jour en juillet 2003, INRS)
Une maladie est professionnelle si elle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque physique, chimique, biologique, ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle
Une maladie professionnelle est la conséquence de l’exposition plus ou moins prolongée à un risque qui existe lors de l’exercice habituel de la profession. Il est presque toujours impossible de fixer exactement le point de départ de la maladie.
Dans ces conditions les données concernant le lieu, la date de la relation de cause à effet sont souvent précisées et la matérialité d’une maladie professionnelle ne peut généralement pas être établie par la preuve qu’il est toujours difficile sinon impossible à apporter.
Le droit à réparation doit donc se fonder dans un grand nombre de cas sur les critères médicaux et techniques de probabilité et sur des critères administratifs de présomption
Pour information : un accident de travail est un fait matériel fortuit provoquant une lésion corporelle généralement simple à constater. C’est un événement qui s’est passé à un endroit précis et à un moment connu. La preuve de la relation entre le dommage corporel subi et le fait qu’il a provoqué c’est-à-dire la relation de cause à effet est le plus souvent facile à porter
Dans cette démarche le médecin du travail occupe une place privilégiée puisqu’il est souvent le premier est quelquefois le seul observateur des dommages causés à l’homme par les nuisances professionnelles, qu’elles soient de nature physique chimie biologique ou qu’elle soit liée à l’organisation du travail
Conformément au système prévu par la loi du 25 octobre 1919, une maladie peut être reconnue comme maladie professionnelle si elle figure sur l’un des tableaux annexés au code de la sécurité sociale. Il existe 112 tableaux
Il est nécessaire de valider dans chaque tableau trois critères
- le premier critère : les symptômes ou lésions pathologiques présentées par le malade, dont l’énumération est limitative
- le deuxième critère : le délai de prise en charge c’est-à-dire le délai maximal entre la constatation de l’affection et la date à laquelle travailleur a cessé d’être exposé au risque
- le troisième critère : les travaux susceptibles de provoquer l’affection en cause dans la liste dans le tableau de la maladie. Cette liste peut être limitative
En vertu de l’article L4 161-4 du code de la sécurité sociale, tout employeur qui utilise des procédés de travail susceptible des maladies professionnelles visées à l’article L4 161 – deux est tenu d’en faire la déclaration la caisse primaire d’assurance-maladie à l’inspecteur du travail fonctionnaire qui en exerce les attributions en vertu d’une législation bestiale.
Il convient de noter que l’employeur est responsable de l’application des mesures de prévention médicale et ne saurait être en être déchargé par le seul fait d’organiser un service de médecine du travail dans l’entreprise ou d’adhérer à un service médical interentreprises.
Il doit notamment pouvoir prouver à tout moment à l’inspecteur du travail que le salarié a été soumis à une visite médicale prévue par la réglementation. Il est aussi obligé de tenir compte de l’éventuelle inaptitude temporaire ou définitive qui lui serait transmise par le médecin du travail à la suite de ces examens
De ce que nous avons pu comprendre de la proposition du gouvernement
Le COVID serait pris en charge comme maladie professionnelle avec une présomption d’imputabilité
- Par définition, le patient aura charge de prouver sa maladie d’où la nécessité d’examen biologique etc. d’un bilan clinique complet avec une certitude diagnostique, soit d’un dossier médical complet.
- La survenue de la maladie sera soumise à un délai de prise en charge fixée par les autorités (15 jours trois semaines ou un mois par exemple)
- En dernier lieu le travailleur devra être du milieu de la santé
A ce niveau deux distinction s’imposent
A ce jour, avant la proposition du ministère, si le personnel de santé exerce en libéral, il ne peut être pris en charge par le régime général de la sécurité sociale que s’il cotisait préalablement au régime accident travail/maladie professionnelle avant la première constatation des signes cliniques
En l’absence de cette cotisation individuelle (environ 50 à 60 € par mois), la reconnaissance de la maladie professionnelle n’est pas acceptée par la caisse
Si le personnel de santé est salarié d’un office de santé, dans ce cas-là deux options
- s’il y a une cotisation dans le régime général, reconnaissance d’emblée si validation des trois critères
- si il y a une cotisation dans le régime des fonctionnaires, à ce jour, les maladies professionnelles ne sont pas reconnues et le critère d’imputabilité doit être certain direct et total entre les faits constatés et l’exposition
Dans le cas d’une profession libérale avec un régime de prévoyance contractuelle (indemnités journalières accident et maladie) il existe un certain nombre d’exclusions contractuelles, et classiquement le régime des maladies professionnelles des accidents de travail reconnu par le régime général n’est pas reconnu par les régimes de prévoyance privée
Nous voyons donc :
- La complexité de l’application de la reconnaissance de la maladie COVID 19 dans le régime des maladies professionnelles et particulièrement pour le personnel soignant libéral ne cotisant pas à titre individuel au régime AT/MP
- D’autre part la reconnaissance d’une maladie professionnelle permet en effet la prise en charge à 100 % des frais médicaux, et éventuellement la délivrance d’une rente d’invalidité
- Sachant que plus de 98 % des personnes guérissent de cette infection virale, et que les décès concernant les personnes soignantes en activité sont très rares dans le pool commun des décès, nous considérons que cette proposition est d’ordre symbolique, mais nécessaire dans le cadre d’une reconnaissance de l’investissement du personnel de santé
- L’impact financier de cette reconnaissance et prise en charge ne peut pas être évalué à ce jour
Concernant la prise en charge de la souffrance psychologique des soignants, nous sommes plus circonspects : cela ne saurait être que des cas d’espèces et la notion complexe de souffrance liée au travail ou de burn out est bien une définition d’ordre juridique et non médicale, nécessitant une véritable enquête sur le lieu de travail ; aussi le lien d’imputabilité facilement établi par le requérant ne saurait être notifié par le médecin ex abrupto (le praticien engageant alors sa responsabilité) dans le certificat d’accident de travail ou d’arrêt de maladie : c’est la CPAM qui reconnait le lien ou la CRRMP
Concernant la problématique des mal-entendants, une solution simple serait de proposer aux personnels de santé une visière en plexi, qui permettrait la lecture labiale et une parfaite protection.
La présence d’un traducteur éventuel par langage des gestes ne saurait être évoquée du fait du Covid puisque à visage ouvert précédemment à la pandémie virale la même question pouvait se poser.